Les hélices
Et nous re-voici de nouveau embarqués dans un nouveau périple vélivole :
les hachoirs - heu, non, pardon : les hélices.
Tout d’abord, un conseil : tu peux ranger l’aspirine, les formules ne vont pas se ramasser à la pelle. Au pire, prépare des pansements ...
(c’est Jules qui va être content, ça fait moins de caractères spéciaux à retranscrire en HTML !)
Ce minuscule chapitre regroupe les quelques formules nécessaires à la compréhension de nos chères (oh oui...) battoires, puis l’exemple pas à pas d’un dimensionnement d’hélice.
Mais tout d’abord, voici les 3 paramètres principaux qui les caractérisent :
LE DIAMETRE
Cette grandeur représente le diamètre du cercle décrit par l’hélice (CONE INCLUS !)
La première remarque qui vient à l’esprit : est-il vraiment nécessaire de rédiger des articles sur internet pour dire ça ???
La seconde remarque, plus sérieuse, porte sur l’unité de cette grandeur : elle est usuellement exprimée en pouce (c’est quand on utilise l’hélice qu’elle devient graduée en phalanges...).
Un pouce mesure 2,54 cm. On l’appelle également inch (et il vaut la même longueur !)
Exemple :
Une hélice de diamètre 15 pouces aura donc un diamètre de 38.1 cm
LE PAS
Cette grandeur représente la distance parcourue par l’hélice à chaque tour.
Cette grandeur est également exprimée en pouce (ou inch)
Hélas, cette distance serait réellement parcourue si l’hélice se vissait dans un milieu incompressible. Or, hormis durant les quelques dixièmes de secondes qui suivent un crash, l’hélice tourne en général dans l’air, qui se comprime par la résistance qu’oppose le modèle à la traction de l’hélice. Usuellement, on s’assure donc que l’avancée théorique de l’hélice est au moins 30% supérieure à la vitesse sur trajectoire du planeur.
Il ne faut pas non plus trop forcer sur le pas (avancée théorique d’hélice >> vitesse du planeur) car le moteur chaufferait inutilement et le bilan énergétique serait très médiocre. C’est le cas typique d’une montée de planeur sous une incidence trop forte pour la propulsion choisie, ou d’un pas trop fort vis à vis de la traînée du modèle.
Exemple :
Une hélice de pas 9.5 pouces avancerait en théorie de 24,1 cm à chaque tour.
Généralement, on identifie une hélice par son diamètre suivi de son pas, le tout usuellement exprimé en pouce (ou en centimètres mais on le précise !). L’exemple précédent mène donc à une hélice dite "15x9.5".
LE RENDEMENT
L’hélice est une grande gaspilleuse. Dans les chapitres précédents, Nous nous sommes échinés (enfin, moi surtout) à amener des watt sur l’arbre du moteur, en minimisant le réchauffement de la planète. Et que fait l’hélice, je vous le demande ?
Elle brasse de l’air !
Plus sérieusement, une partie de l’énergie fournie sera inutilement dispensée en bruit, en tourbillons parasites et en frottements. Ce qui reste sera utilement dédiée à la poussée axiale qui contribuera à l’avancée de l’appareil. C’est cette poussée qui sera enfin utilisée dans les calculs de gain d’altitude , ouf !
Le rendement représente la qualité du transfert d’énergie de l’arbre vers la poussée.
On peut directement l’exprimer aussi comme un rapport de puissances :
Aller, reprenons notre exemple inusable :
Un moteur fournit 350 watt à l’arbre.
Combien fournit l’hélice, dont le rendement est 0.7 ?
Réponse :
Pf = Rh.Pa = 0,7 . 350 = 245 Watt
Elle aura donc gaspillé plus de 100 Watt, rien que ça !!!
Le rendement dépend de plein de paramètres :
– Le principal est la géométrie de l’hélice. On doit tous pouvoir comprendre (si, si, fais un effort !) qu’une hélice à profil évolué (et évolutif) sera plus performante qu’un bout de bois taillé par un pithécanthrope (je ne suis pas totalement sà »r de son orthographe : il n’a décidément rien pour lui, le pauvre ...).
De même, on ne négligera pas l’ état de surface des pales. Toujours poncer le petit fil (résidu de moulage) qui dégrade l’état du bord d’attaque et éviter les bouts d’hélice rognés (pas touche, Médor !)
– Le matériau constitutif peut dégrader le rendement si des déformations de pales apparaissent à haut régime. Les hélices rigides sont généralement gratifiées d’un meilleur rendement (mais elles sont souvent plus chères et plus fragiles)
– L’équilibrage de l’hélice. Un mauvais équilibrage statique (ou dynamique) de l’hélice provoque un retour d’énergie vers le moteur qui se traduit par une mise en vibration de l’ensemble propulsion (et fuselage...)
– Les dimensions de l’hélice. Elles influent directement sur les performances du profil des pales, de la même manière que la corde de nos ailes (enfin, des ailes de nos planeurs !). Une grande pale, donc large, sera gratifiée d’un nombre de Reynolds élevé, donc de performances meilleures en terme de rapport poussée/frottement.
– La vitesse de rotation. Plus elle sera faible, moins on aura de tourbillons et de frottements parasites. Les effets de compression seront aussi plus favorables.
Ces deux derniers points justifient pourquoi ont utilise très fréquemment un réducteur en sortie de moteur : En réduisant le régime de rotation et en augmentant le couple, il favorise donc l’emploi d’hélices plus grandes tournant moins vite : Il n’y a que du bon !!!
(sauf le prix , le poids et le rendement propre du réducteur )
En résumé, pas de formule générique pour trouver le rendement des hélices, mais uniquement des tables de mesures glanées à gauche et à droite.
A titre d’exemple, une hélice GRAUPNER CFK FOLDING PROP 15x9.5 en fibres de carbone vernie et à profil évolutif aura un rendement de 0,7. Une vulgarus GRAUPNER blanche de mêmes dimensions aura un rendement de 0,5 , soit une généreuse différence de 20% (et de 300% sur le prix !!!). Mais cette différence équivaut aussi à elle seule à l’écart de rendement entre un moteur ferrite et un moteur brushless :
ne néglige donc pas le choix de ton hélice ...
FORMULE DE LA PUISSANCE A L’ARBRE
Et maintenant, Ladies & Gentlemen, LA FORMULE !
Cette formule, ou plus précisément ces différentes formules, vous permettront de relier la puissance à l’arbre au régime/pas/diamètre de l’hélice.
Ce ne sont que des approximations, mais elles vous permettent d’avoir un ordre de grandeur précis à mieux que 20% (10% si on est optimiste et qu’on y croit fort !)
La première, dite formule de ABBOTT, s’exprime comme ceci :
La seconde s’appelle formule de YOUNG (elle est strictement égale à la précédente !) :
La troisième est nommée formule de BOUCHER (Sté ASTRO) :
Pour les trois formules :
W : puissance à l’arbre (fournie par le moteur), en Watt
P : pas, en pouces
D : diamètre, en pouces
R : régime, en tours/min
Pour la troisième formule, la variable K n’est pas le rendement de l’hélice. C’est un paramètre d’ajustement qui dépend du type d’hélice, par exemple :
Hélice TOP FLITE , K=1.31
Hélice ZINGER , K=1.31
Hélice GRAUPNER CAM folding prop , K=1.18
Hélice GRAUPNER CFK folding prop , K=1.05 (c’est mon coeff d’expérience à moi !)
Hélice APC , K=1.11
Testons ces trois formules pour une hélice GRAUPNER CFK FOLDING PROP 15x9.5 tournant à 5500 tr/min (régime mesuré au sol) :
ABBOTT : W = 426 Watt
YOUNG : W= 426 Watt (heureusement, on trouve le même résultat !)
BOUCHER : W= 338 Watt
En réalité, le moteur (CHRONOS25) fournit 350 Watt (11 volt x 40 Amp x rend 0.8). C’est donc la formule de BOUCHER qui est la plus proche de la réalité !
En fait, les 2 premières formules sont plus adaptées aux petites hélices...
En conclusion, ces formules sont à prendre avec des pincettes quant à leur précision (surtout les 2 premières), mais elles ont le bon goà »t d’exister pour faire un dimensionnement grossier ...
EXEMPLE DE DIMENSIONNEMENT D’HELICE
Aller, on va finir par le plus intéressant : un exemple de dimensionnement d’hélice.
YOUPI !
Juste une petite remarque au vol : tu risques de trouver des similitudes entre ce chapitre et un excellent article du non-moins Excellentissime François CAHOURS, dans la revue RCM de Décembre 2001.
Promis, je n’ai pas copié : J’avais déjà tout dimensionné mon mien mi-2001 ! Par contre, son plan pour l’expliquer est très logique et pédagogique, donc nous voilà partis avec le même déroulement !
Mais ce n’est pas une raison pour ne pas aller lire son très bon article (motorisation brushless du planeur ADN ). Il est dans le même esprit de dimensionnement (planeur de 2 à 3 kg) que l’électrification de mon LS4 détaillée sur ce site.
Je vais reprendre le cas du LS4 MAGNUM de S2G. Voici donc les étapes successives, sans rentrer dans les détails des formules déjà décrites dans les chapitres précédents.
1. dimensionner les vitesses de vol
Par simulation (SIMUAERO 2000) ou par calcul à partir des paramètres aérodynamiques (charge alaire, Cz, allongement,...) j’estime la vitesse optimale sur trajectoire à environ :
Vt = 10 m/s.
Je souhaite voir monter le planeur sous un angle de 30°. J’en déduis donc la vitesse verticale : 5 m/s. Pour garder une petite marge, je pars sur 6.5 m/s, à laquelle j’ajoute la vitesse de chute propre que je majore à 1 m/s (0.7 m/s simulé sous VISUAERO).
J’obtiens donc une vitesse ascensionnelle (sans compter le taux de chute propre) de :
2. dimensionner les Watt à fournir
Pour apporter une vitesse ascensionnelle de 7.5 m/s à un planeur de 3 kg, la puissance fournie par l’hélice devra donc être de :
3. dimensionner le régime moteur
Vu les ordres de grandeur de puissance à fournir, je pars sur une propulsion réductée.
Une estimation grossière de la puissance à l’arbre (estimation des rendements moteur et hélice) m’amène à environ 320 Watt apporté par le moteur, soit environ 400 Watt de puissance d’entrée.
Je retiens le moteur CHRONOS25 réducté 4:1. Je fixe le nombre d’éléments pour limiter le courant à moins de 50 Amp (autonomie et pertes Joule) : 10 éléments x 40 amp. La tension de l’accu en charge moteur s’approxime donc à 10 Volts (1V/élément).
Le Kv du moteur vaut 2500 et sa résistance interne 16 milliohm. J’en déduis que sous 40 Ampère , les pertes ohmiques vaudront 0.016*40 = 0.6 V soit une tension électromotrice de 10-0.6 = 9.4 V, donc un régime de 2500*9.4 = 23500 tr/min qui donne après réducteur :
Ceci est le régime optimal d’utilisation du moteur vu les puissances à fournir, qu’il va falloir essayer de rallier par le choix de l’hélice.
4. Faire une pause
...
Je profite de la pause pour te faire un aveu :
en réalité, dès le choix du moteur, j’ai noté que le fabricant (ELECTRONIC MODEL) conseille une 15x10 ou une 15x9.5 qui mène à un régime de 5500 tr/min.
Ca aide de savoir à quel résultat on doit arriver ...
Et voilà , on redémarre !
5. dimensionner le diamètre de l’hélice
Je vise le plus grand diamètre d’hélice possible pour travailler à son meilleur rendement. Vis à vis des dimensions du fuselage, je ne peux pas raisonnablement dépasser 16 pouces. Je retiens donc un diamètre de 15 pouces (compatible avec les suggestions du constructeur !)
Ce choix est cohérent avec un rendement de 0.7, qui confirme la puissance à l’arbre de 320 Watt donnant une puissance fournie de 220 Watt.
6. Dimensionner le pas d’hélice
C’est une étape qui nécessite des marges scandaleuses si l’on ne veut pas être déçu lors des premiers essais. En effet, il faut tenir compte que l’on ne travaillera pas très souvent dans le cas idéal :
– décharge de l’accu au fil des montées,
– nécessité de tracter plus au décollage,
– vitesse sur trajectoire plus faible que prévue (selon l’axe du vent, les virages, ...)
– pas effectif de l’hélice pas toujours idéal (déformations, turbulences, ...)
– etc...
Je dimensionne alors le pas par la formule de BOUCHER, avec les précautions suivantes :
– régime moteur = 5500 tr/min (et non 5875 tr/min)
– Arrondi au pas d’hélice supérieur
J’obtiens un pas de 9 pouces, que je majore à 9.5 ou 10 selon ce que je trouverai !
Je retiens donc une hélice GRAUPNER CFK FOLDING PROP 15x9.5.
7. Vérifier la compatibilité pas d’hélice / vitesse
Il s’agit maintenant de s’assurer que l’avancée théorique de l’hélice est supérieure (mais pas trop !) à la vitesse sur trajectoire du planeur.
L’hélice a un pas de 9.5 pouces et tourne à 5500 tours/min. Son avancée vaut donc, en m/s :
Comparée à la vitesse sur trajectoire (10 m/s), ce chiffre paraît un peu fort.
Que se passera-t-il donc dans la réalité ?
– la vitesse sur trajectoire sera un peu plus rapide,
– la vitesse ascensionnelle sera plus forte que celle théoriquement visée.
– L’hélice "forçant" un peu, la conso augmentera un chouïa
– Tout ceci sera pondéré par le pas effectif de l’hélice (qui est connu comme plus faible que prévu sur les CFK !), les conditions aérologiques, etc
Allez, emballé-pesé, passage à l’étape suivante !
8. Essais, itérations, et bouillabaisse
Cette partie va te décevoir. Autant j’ai pu garder la tête haute et l’allure fière dans les parties précédentes, autant la honte m’envahit ici :
Il est très rare que tout semble marcher aussi bien. Il faut donc ré-itérer plusieurs fois les équations précédentes, parfois en permutant les ordres de priorités, ou en remettant en question la propulsion, la réduction, ...
En bref, la bouillabaisse qui en sort n’a surtout pas pour but de définir THE hélice à utiliser, mais les grandeurs de pas, diamètre, régime, puissance qui se jouent au nez du planeur, à 20 % près au mieux !!
Et oui, l’optimisation finale ne peut se faire que sur le terrain, avec quelques types d’hélices autour des grandeurs estimées. Aucun calcul virtuel ne se substituera à cet ajustement réel.
En conclusion, ce chapitre aura eu au moins 2 intérêts :
– comprendre un peu les grandeurs en jeu et leurs mécanismes,
– ne pas acheter tout le stock d’hélices de ton magasin préféré pour mener une campagne d’essais de 8 mois !
Au fait, la CFK 15x9.5 marche très bien sur le LS4 !
et la RFM 15x10 encore mieux (un peu plus pêchu et meilleur rendement),
et la FALCO 15x13 un peu moins (trop costaud, ça grimpe trop fort !) ,
et la FALCO 15x14 encore moins (beaucoup trop costaud, ça chauffe dur !)
et ...
PS : j’aurais mieux fait de ne rien calculer et écouter les conseils d’ELECTRONIC MODEL ...